Une ancienne patineuse d’élite a payé le prix de sa santé – .

Une ancienne patineuse d’élite a payé le prix de sa santé – .
Une ancienne patineuse d’élite a payé le prix de sa santé – .

Remarques déplacées sur son poids et sa silhouette depuis des années, critiques, retours précipités sur la glace après de grosses blessures, emprise psychologique de son entraîneur. Julianne Séguin paie toujours le prix de sa santé après une carrière dans les hautes sphères du patinage artistique qui a pris fin brutalement en 2018.

“J’avais peur d’elle, peur de sa réaction. Elle m’a fait me sentir tellement comme de la merde quand les choses n’allaient pas bien. Mais quand les choses allaient bien, elle me faisait me sentir spécial. Elle m’a fait un beau cadeau. Et là, c’est devenu une drogue.

  • Écoutez l’entrevue de Marie-Christine Noel et Julianne Séguin avec Richard Martineau sur QUB radio :

Ces propos bouleversants sont ceux de l’ancienne patineuse olympique à propos de son ancien entraîneur, Josée Picard. Entre les deux, une relation malsaine s’est peu à peu développée au fil des années.

L’athlète vide son cœur dans le livre Une médaille à tout prixsous la plume de la journaliste de notre Bureau d’enquête Marie-Christine Noël, disponible en librairie depuis mercredi.

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Archives photographiques, Agence QMI

Intransigeante, Josée Picard a formé Julianne pendant près de 10 ans.

L’auteur retrace la carrière de Julianne Séguin et lève le voile sur la culture du silence régnant dans le monde particulier du patinage artistique.

Car Julianne dit que pour aller aux JO de Pyeongchang en Corée du Sud en 2018, elle a accepté les excès de celui qui la prenait sous son aile depuis la puberté.

LA QUÊTE DES ANNEAUX

En plus des nombreuses commotions cérébrales, c’était le prix à payer pour vivre son rêve de patiner sur la glace, auréolé des anneaux olympiques. Avec son partenaire, Charlie Bilodeau, ils étaient les étoiles montantes du patinage en couple canadien.

La jeune femme aujourd’hui âgée de 25 ans ressent toujours des symptômes de commotions cérébrales et fait des crises d’angoisse. Et personne ne peut prédire quand ils disparaîtront complètement pour qu’elle puisse reprendre une vie normale.

Ce sont les conséquences d’avoir priorisé la performance au détriment de la santé, apprend-on dans le livre.

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Photo de courtoisie

Julianne Séguin tente de profiter du beau temps sur la plage de Floride alors qu’elle doit encore surveiller son poids.

De peur de décevoir une entraîneuse exigeante, de lui plaire et d’éviter la confrontation, la patineuse a gardé le silence comme l’exige la règle dans son sport.

Quitte à choisir de retourner sur la glace après une commotion cérébrale, alors qu’elle aurait dû se reposer.

Dans sa quête de l’excellence pour atteindre l’élite mondiale, elle a également essuyé les propos désobligeants d’un entraîneur obsédé par son poids.

« J’ai tout pris comme une éponge. Je m’entraînais dans un régime de peur, est-ce queelle a expliqué dans une interview avec Le journal avant la parution du livre. Une partie de moi disait que c’était normal. Si je me comparais à un soldat, c’était la même chose. Le terrain du voisin n’était pas plus vert. Je me suis dit que je devais passer par là. C’était dur et je devais me taire. Carrément.”

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Photo de courtoisie

Après sa carrière, Julianne continue de subir des examens physiques. Cette fois, elle doit passer une imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau, deux ans après avoir arrêté de patiner.

OBSESSION DE POIDS

Dans le livre, Julianne illustre sa relation avec son entraîneur en racontant un voyage qu’ils ont fait en Floride. La jeune athlète pensait pouvoir décrocher un peu et passer du bon temps avec celle qu’elle considérait comme sa deuxième mère. Mais Josée Picard y voyait davantage une opportunité pour son protégé de perdre du poids.

Selon entraîneur qui avait auparavant amené Isabelle Brasseur et Lloyd Eisler aux Jeux olympiques, Julianne devait encore peser entre 97 et 102 livres. Selon elle, et non selon un professionnel de la santé, c’est le poids auquel elle a le mieux patiné. Elle le lui a répété jusqu’au dernier jour de leur relation.

L’auteur du livre précise que Josée Picard a refusé de lui accorder une entrevue pour donner sa version des faits.

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Photo de courtoisie

Le pèse-personne à l’effigie d’un ourson blanc que Julianne a maudit tout au long de sa carrière.

MOUVEMENT DE MISÉRICORDE

Julianne a accepté son sort jusqu’au jour où elle a paniqué dans le bureau de son entraîneur. C’était après les Jeux de Pyeongchang où elle avait livré un exploit exceptionnel en terminant 9e avec son partenaire Bilodeau.

Epuisée, affaiblie par des commotions cérébrales et détruite intérieurement à l’aube d’un autre cycle olympique qui la conduira à Pékin, son poids était redevenu l’enjeu central.

C’est finalement Charlie Bilodeau qui a fait le grand geste en annonçant leur rupture professionnelle. Un coup de semonce qui aidera Julianne, quelques mois plus tard, à comprendre que la relation “toxique” avec son entraîneur avait rongé sa carrière.

“Je la trouve épouvantable d’avoir fait tout ce qu’elle a fait. Je n’arrive pas à croire que je me sois laissé emporter comme ça, mais en même temps, mon objectif n’était que les Jeux Olympiques. Je savais que j’allais y aller avec elle”, peut-on lire dans le livre.

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Photo de courtoisie

À l’âge de 7 ans, Julianne participe à l’un de ses premiers spectacles en costume de police.

LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL

Après avoir flirté avec la dépression à cause des séquelles liées aux impacts qu’elle a reçus dans la tête, Julianne est désormais plus sereine. Elle retrouve peu à peu une « vie normale ». Elle réussit à cuisiner et a même récemment repris le volant de sa voiture.

“C’était effrayant au début, mais les médecins m’ont dit que cela pourrait prendre au moins deux ans pour revenir à la normale. Je peux maintenant construire ma vie.

Elle le fera en portant sa chaîne en argent avec les anneaux olympiques, symbole de sa grande réussite qui est désormais plus savoureuse puisqu’elle voit la lumière au bout du tunnel après une relation amour-haine avec son sport, sa grande passion. la vie.

Je me rends compte que j’étais en forme pour faire tout cela après avoir subi des commotions cérébrales et avoir patiné. Je peux dire que je suis allé aux Jeux. J’en suis très fier.

Les changements nécessaires

La culture du silence doit disparaître dans le patinage artistique, disent les experts

Les fédérations canadienne et québécoise de patinage artistique sont mûres pour un grand ménage. Sortir du silence, ils doivent faire place à la transparence et au soutien des sportifs, estiment les acteurs de ce sport.

« Personne ne sait à qui s’adresser en cas de problème. Les jeunes patineurs ont aussi peur de contacter Patinage Canada et Patinage Québec s’ils veulent dénoncer des abus, car c’est un petit milieu où tout le monde se connaît », déplorent les entraîneurs Amélie Fortin et Marc-André Craig dans le livre Une médaille à tout prix.

Les deux entraîneurs ont été témoins des dérapages autour de Julianne Séguin et croient que le problème est profond.

Julianne Séguin et Charlie Bilodeau se sont confiés à notre Bureau d’enquête dans le documentaire Pressiondisponible sur la plateforme Vrai.

Selon eux, les sportifs hésitent à dénoncer, car « ils ont peur de perdre des privilèges ou un certain statut s’ils portent plainte. Ils ont peur de ne pas être choisis pour les grands concours ici ou ailleurs à cause d’une dénonciation ».

Le livre explique que les méthodes d’enseignement et d’entraînement du patinage artistique ont changé depuis l’époque pas si lointaine des cris, des crises de colère et des insultes depuis le bord de la patinoire.

TOUJOURS DES PROBLÈMES

Mais tout n’est pas rose dans les arènes du Québec. Les mécanismes, politiques, programmes et procédures de sécurité pour signaler les abus sont bien développés, mais doivent encore être appliqués à la réalité sur le terrain.

Les athlètes doivent être entendus et crus pour que le vent du changement souffle sur le sport.

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Photo Le Journal de Montréal, Julia Marois

L’auteure du livre « Une médaille à tout prix », Marie-Christine Noël, a raconté l’histoire de la patineuse artistique Julianne Séguin.

« Dans le monde du patinage, il ne faut jamais se plaindre. Les jeunes ont appris à se taire. C’est également le cas pour les entraîneurs», racontent les deux entraîneurs.

« L’histoire de Julianne est l’histoire de beaucoup d’autres personnes, de nombreux athlètes. Et il est temps d’ouvrir les yeux », ajoutent-ils.

Ayant travaillé sur ce projet pendant plus de deux ans, la journaliste Marie-Christine Noël a entendu de nombreuses histoires bouleversantes. Et pourtant, ceux-ci ne datent pas d’un autre siècle.

« En 2018, c’est à côté. Le problème, c’est la culture du sport. La performance et le succès sont recherchés à tout prix. J’espère que l’histoire de Julianne changera les choses. Pour elle, c’est une délivrance de l’avoir raconté afin d’aider son sport et de contribuer au changement.

SILENCE RADIO

Sur le papier, cependant, toutes les fédérations sportives ont des normes claires pour permettre aux athlètes de performer en toute sécurité.

Comment l’histoire vécue par Julianne Séguin a-t-elle pu arriver ?

Le journal a tendu la main à la nouvelle présidente de Patinage Québec, Jacqueline Gauthier, et au directeur général, Any-Claude Dion, afin de les questionner sur le cadre et les enjeux de leur association. Ils n’ont pas répondu aux demandes.

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Photo : AFP

Julianne Séguin et son compagnon Charlie Bilodeau ont rapidement gravi les échelons du patinage au Canada et se sont démarqués sur la scène internationale jusqu’en 2018.

D’ailleurs, Mmoi Gauthier a Josée Picard à son conseil d’administration, la même entraîneuse qui aurait tourmenté Julianne Séguin pendant des années.

Patinage Québec a reçu 1,3 million de dollars en subventions gouvernementales au cours de son dernier exercice financier, en plus d’un demi-million l’année précédente, sans compter les subventions fédérales par l’intermédiaire de Patinage Canada.

NETTOYAGE NÉCESSAIRE

Selon Julianne Séguin, qui a pris son courage à deux mains pour dénoncer les abus qu’elle a subis, un grand ménage s’impose.

« Le patinage est entré dans une ère où les choses doivent changer. Nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir des cas comme le mien. Nous devons dénoncer. Je souhaite qu’il y en ait qui se mettent derrière moi et que les dirigeants comprennent que cela doit changer, sinon le sport va planter, a-t-elle plaidé.

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Tags: Une ancienne patineuse délite payé prix santé