“Je me suis dit ‘Ça y est, il n’a pas réussi à Marseille, il va la droguer et la violer’ – .

“Je me suis dit ‘Ça y est, il n’a pas réussi à Marseille, il va la droguer et la violer’ – .
“Je me suis dit ‘Ça y est, il n’a pas réussi à Marseille, il va la droguer et la violer’ – .

La première fois que Laurent Bigorgne a rencontré Sophie Conrad, elle avait 11 ans et lui 18. Sa sœur aînée fréquentait ce futur professeur d’histoire-géo, à Nancy, avec qui elle s’est mariée. Trente ans plus tard, Sophie Conrad et Laurent Bigorgne s’affrontent devant le tribunal correctionnel de Paris.

Grâce à ses relations, il devient un homme influent, directeur de l’Institut Montaigne, puissant think-tank libéral. Proche d’Emmanuel Macron, parmi les premiers adeptes d’En Marche, Bigorgne a suivi la voie tracée par ses ambitions politiques. En 2020, Sophie Conrad, restée ” sa petite soeur “ malgré un divorce, le processus à la recherche d’un emploi. Elle décroche un poste à l’Institut Montaigne. Le grand frère devient alors le patron.

Trois cristaux de MDMA

Aujourd’hui, la justice accuse Laurent Bigorgne d’avoir, le 22 février 2022, lors d’un dîner de travail en tête à tête dans son appartement du XVe arrondissement de Paris, glissé dans la coupe de champagne de son collaborateur l’équivalent de trois cristaux de MDMA (ecstasy) . Des faits qu’il a avoués à la police, dès sa garde à vue le lendemain.

Sophie Conrad ressent après quelques gorgées de champagne, des palpitations, des vertiges et des bouffées de chaleur : “Je pense que Laurent Bigorgne m’a drogué”elle envoie par message à une amie. « Cœur battant, murs mouvants », elle compose à nouveau. Alors : “ Je tiens bon, je vais réussir ». Elle communiquera ainsi pendant une trentaine de minutes avant de parvenir à quitter l’appartement en taxi pour se rendre à l’hôpital. Une première analyse détecte la présence d’une très grande quantité de drogue dans son sang.

La MDMA, comme le GHB, est une drogue couramment consommée par les auteurs de violences sexuelles. “Je ne vois aucune autre raison rationnelle de donner de la MDMA à une femme que de vouloir du sexe”témoigne l’amie de Sophie. “Je me suis dit : ‘Ça y est, il n’a pas réussi à Marseille, il va la droguer et la violer.’ »

En août 2021, Sophie et Laurent passent deux jours à Marseille pour discuter avec des membres de l’Institut Montaigne. Un soir, après avoir bu seul, il lui propose “brusquement”, explique-t-elle au bar, pour finir leur verre dans sa chambre d’hôtel. Une fois la porte fermée, il enlève ses chaussures et lui demande son choix de musique. Sophie s’enfuit dans sa chambre. “Pour moi, c’était impossible d’envisager quoi que ce soit avec lui, c’était incestueux”elle explique.

LIRE AUSSI : Tentative d’assassinat sur un ex-policier cocaïnomane : le tireur et le dealer sont issus du FN

Dans leurs très nombreux échanges de messages ajoutés au dossier, il arrive que la conversation entre eux dérive régulièrement sur la sexualité, à l’initiative de Laurent Bigorgne. “On a le sentiment qu’à chaque fois, vos réflexions sur la vie amoureuse sont brutales”, constate le président du tribunal. Après leur séjour à Marseille, Sophie Conrad met le holà. « Je lui ai dit que j’avais connu assez de situations ambiguës dans le milieu professionnel et que je ne voulais plus revivre. »

Elle explique avoir fait savoir à l’Institut Montaigne qu’elle ne souhaitait plus partir en week-end seule avec son directeur. Il nie avoir eu connaissance de tels échanges. “En septembre, la situation se calme, mais en octobre, il redevient ambigu après le départ d’un collègue avec qui il semblait avoir une relation passionnée.poursuit Sophie Conrad. Les SMS se multiplient, il était, c’est vrai, mon confident dans les moments de doute et de difficulté, j’ai essayé de le rassurer aussi. Mon célibat était un sujet, j’en parlais autant que c’était ludique, mais s’il posait des questions intrusives, j’essayais de trouver un moyen de changer de sujet. Mélangé aux relations familiales, c’est devenu trop compliqué. »

Pas d’intention de viol, selon le parquet

Malgré la condamnation de la partie civile de son intention de commettre un viol, Laurent Bigorgne n’est poursuivi que pour “administration de substances nocives” avec deux circonstances aggravantes : celle d’avoir agi “sous l’emprise manifeste de stupéfiants” et entraînant plus de huit jours d’incapacité de travail. Il risque jusqu’à cinq ans de prison.

L’accusé nie toute intention sexuelle et l’accusation est allée dans le même sens. Aux manettes, Laurent Bigorgne explique avoir mis de la drogue dans le verre de son collaborateur par besoin d’être ” Ecoutez “. « Je n’avais plus de cocaïne, il restait de la MDMA dans une boîte. » Il discute en détail “sa dépression” en raison d’une surcharge de travail, “l’angoisse d’une nouvelle campagne présidentielle”. “J’étais sur 4 grammes de cocaïne par jour, j’en ai pris toute la journée”dit-il en se faisant appeler un “toxique”. « J’étais devenu une machine, j’avais peur de dire que j’étais pris en défaut, d’être construit sur un mensonge, esclave psychologique et financier du produit. »

« Nous vivons au rythme de nos médicaments »détaille son épouse appelée à témoigner. « Laurent est un homme brisé et son parcours aujourd’hui est un combat quotidien. » Avant les faits qui lui sont reprochés, un soir, Laurent Bigorgne avait mélangé de la MDMA à la tisane de sa compagne. Des faits pour lesquels elle n’a pas porté plainte. “C’était très clair que c’était pour pouvoir se parlerassure-t-elle. Dites-moi qu’il avait un gros problème de drogue. Je n’ai rien compris. »

LIRE AUSSI : Ô surprise, l’Institut Montaigne veut supprimer les congés pour relancer l’économie après le Covid-19

Ces arguments n’ont jamais convaincu le demandeur. Avec son avocat, Me Arié Alimi, Sophie Conrad a porté plainte pour tentative de viol. Une demande rejetée par deux juges d’instruction, mais pour laquelle ils ont fait appel. “Cette procédure était mal engagée et c’est le parquet qui nous a mis dans cette situation grotesque, déplore ses conseils. C’est dramatique pour tout le monde : l’accusé, la victime et la justice. »

A plusieurs reprises, la victime et son avocat ont dénoncé une enquête “sous emprise” en raison des relations que Laurent Bigorgne entretenait alors avec d’autres hommes au pouvoir. « Qu’est-ce que les policiers qui n’étaient pas en service vous ont dit quand vous avez été entendu ? » demande son avocat. « Les équipes m’ont avoué hors service qu’elles n’avaient jamais autant travaillé sous autant de pression, avaient reçu des appels téléphoniques… sans me dire d’où venaient exactement ces appels. » Il appartient maintenant au tribunal de se prononcer sur la qualification des faits et de déterminer une peine. La décision sera rendue le 8 décembre 2022.

Tags: suis dit Ça est pas réussi Marseille droguer violer