Arthur Langerman, le diamantaire anversois qui collectionnait les caricatures antisémites – .

Arthur Langerman, le diamantaire anversois qui collectionnait les caricatures antisémites – .
Arthur Langerman, le diamantaire anversois qui collectionnait les caricatures antisémites – .

Dès l’entrée, le visiteur se sent rassuré par le doux calme régnant dans les bureaux d’Arthur Langerman, l’un des derniers monstres sacrés de ces diamantaires anversois qui ont nourri tant de légendes. Grand, jean et polo bien coupé, lunettes cerclées dévoilant des yeux étonnamment bleus – un œil charme, l’autre évalue –, crâne rasé, l’homme accueille d’une voix douce et légèrement sifflante.

Dans la chambre, le regard est attiré par l’immense photo de vingt diamants étincelants. Bleus, roses, jaunes, verts. Hommage à ces pierres qui ont fait la fortune du maître de maison, l’un des premiers à miser sur les diamants de couleur à une époque où tout le monde ne jurait que par les pierres blanches.

Brusque changement d’ambiance sur le mur d’en face, où sont placardées une vingtaine d’étoiles jaunes, de celles portées par les juifs pendant la seconde guerre mondiale. « J’ai besoin de les voir. Ils font partie de ma vie., explique le diamantaire. Ils appartiennent à l’incroyable collection de près de 10 000 affiches, croquis, journaux, cartes postales, tableaux, couverts, vases, qu’il a traqués, débusqués et achetés pendant soixante ans et qui ont pour seul point commun leur antisémitisme enragé. Depuis le 8 novembre, une sélection de cette étrange compilation est visible dans les locaux bruxellois de la Commission européenne. “Celui-là était à ma mère !” »dit maintenant Arthur Langerman en désignant une étoile particulièrement maculée.

Soixante-dix-sept ans plus tôt et 1 200 kilomètres plus à l’est : Auschwitz. Cécile Langerman fait partie d’un groupe d’une centaine de femmes, épuisées par un voyage de trois jours en wagons à bestiaux, qui attendent sous la pluie, gardées par les SS et leurs chiens policiers. La nuit approche lorsqu’ils rencontrent le groupe d’hommes rassemblés en même temps qu’eux à Anvers. Cécile Langerman a à peine le temps de reconnaître son mari, Salomon, qui lui glisse ce qu’elle pense être, au toucher, un morceau de pain. « Pour le petit », il murmure. Le petit est Arthur, leur enfant né deux ans plus tôt. Salomon ignore que les Allemands l’ont séparé de sa mère avant le départ des convois funéraires. Rescapée des camps de concentration, Cécile Langerman ne reverra plus jamais son mari, et ” la petite ” ne connaîtra pas son père.

Un portrait d’Arthur, habillé en fille, et de sa mère qui a survécu aux camps. SÉBASTIEN VAN MALLEGHEM POUR « LE MONDE »

En 1962, Arthur Langerman, à peine âgé de 20 ans, fouillait dans les poubelles d’un marchand de cartes postales du marché aux puces de Bruxelles, lorsqu’il tomba sur une carte “humoristique” des années 1930 montrant un Juif lisant la Bible tout en sodomisant un enfant. Au dos de la carte, quelques mots en allemand : « Nous passons de bonnes vacances. Bons bisous à vous tous. » Le jeune homme qui a suivi, heure par heure, le procès du bourreau d’Auschwitz Adolf Eichmann, qui vient de s’achever à Jérusalem, a un éclair : n’est-ce pas là, sur cette simple carte postale, ce “banalisation du mal” Hannah Arendt parlait pendant le procès ?

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