Les salariés étrangers du Club Med se disent victimes de discrimination – .

Faute de main-d’œuvre locale, le Club Med s’est tourné vers des intérimaires, majoritairement mexicains, pour occuper des postes à l’hôtel, majoritairement dans l’entretien ménager, la restauration et la cuisine.

Selon les informations obtenues par Radio-Canada, certains des employés mexicains à l’emploi du Club Med depuis son ouverture en 2021 ne bénéficient pas du même traitement salarial que leurs collègues canadiens, ce que ces derniers ont constaté et déploré.

Gwyn Boudreault a travaillé près d’un an au Club Med Québec Charlevoix, en entretien ménager.

Photo : Courtoisie : Gwyn Boudreault

Un ancien employé néo-brunswickois du Club Med, Gwyn Boudreault, estime qu’il a aucun sens que ses collègues mexicains gagnent 15,50 dollars de l’heure, alors qu’on lui propose aussitôt un salaire d’une vingtaine de dollars.

Je ne trouve pas cela juste et je ne comprends pas pourquoi c’est le cas. Oui, ce sont des immigrants, mais ils font le même travail que moi. Pourquoi ne sont-ils pas payés comme moi ?

Radio-Canada s’est entretenue avec deux autres employées ménagères canadiennes qui sont également payées 20,50 $ l’heure. Comme le permet la loi, les salariés hébergés par le Club Med voient leur salaire amputé d’environ 52 dollars par semaine.

Roxanne*, employée de maison au Club Med, a été choquée d’apprendre que ses collègues mexicains gagnaient 5 $ de moins de l’heure. Elle a été tellement surprise qu’elle dit qu’elle leur a demandé de voir un talon de paie comme preuve.

Je n’ai pas trouvé cela correct. Ils travaillent dur là-bas ! »

Une citation de Roxanne*, employée d’entretien ménager canadienne au Club Med

Le vice-président des opérations en Amérique du Nord pour le Club Med, Olivier Rozier, affirme que la nationalité des employés n’affecte pas leur salaire. Il s’agit plutôt de la formation initiale, des compétences, des qualifications et de l’expérience de chaque individuil explique.

Il ajoute que le Club Med travaille actuellement avec le syndicat représentant les salariés, les Teamsters, et une entreprise extérieure pour d’évacuer tous les sujets et situations de discrimination salariale.

Les Teamsters confirment qu’un grief d’équité salariale a été déposé.

Roxanne* et Gwyn Boudreault disent n’avoir jamais ressenti la pression de faire des heures supplémentaires, mais ont remarqué que durant certaines périodes occupées ou en sous-effectif, les collègues mexicains travaillent six jours par semaine alors qu’ils en travaillent cinq.

Si tu n’es pas content, retourne au Mexique

Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, plus de 200 permis ont été délivrés à des ressortissants étrangers pour travailler au Club Med Québec Charlevoix depuis 2021.

L’une des principales raisons pour lesquelles Ignacio* a accepté un poste au Club Med était d’effectuer un travail de 40 heures sur une période de cinq jours. C’est ce que prévoit son contrat de travail.

Une fois en sol canadien, le travailleur temporaire avec un permis fermé lié à son employeur, se sentait cependant obligé de travailler six jours par semaine.

[Nos patrons] sais que nous n’avons pas d’autre choix que de faire ce qu’ils nous disentil explique.

Pendant longtemps, nous avons travaillé 48 heures par semaine.

Lorsqu’il a demandé à ne pas travailler l’équivalent d’un jour supplémentaire par semaine, un superviseur lui aurait dit : Si tu n’es pas content, retourne au Mexique.

Ce sont des propos que M. Rozier qualifie de discriminatoire et cela aller à l’encontre des valeurs du Club Med.

Dans une situation où cela se produirait et que nous serions informés, nous nous mettrions immédiatement autour de la table pour parler de cette affaire et la sanctionner. »

Une citation de Olivier Rozier, vice-président des opérations en Amérique du Nord pour Club Med

Le Club Med attache une grande importance à ses hôtes et à leur bien-être, mais le prix à payer, pour nous, c’est d’être vraiment malheureux, se lamente Ignacio*.

Si lui et certains de ses collègues ne souhaitent pas faire d’heures supplémentaires, le représentant syndical, Sylvain Lacroix, indique que d’autres souhaitent le faire.

M. Rozier, pour sa part, affirme que les heures supplémentaires ne sont pas proposés en fonction des nationalités des salariés, et que chacun est libre de faire ce qu’il veut.

Alberto Pacheco, employé du Club Med, s’exprime publiquement parce qu’il est “fatigué” et qu’il ne se sent pas respecté par le Club Med.

Photo : Radio-Canada / Vincent Archambeau-Cantin

Haute pression

L’horaire d’Ignacio* est revenu à 40 heures par semaine. Il a constaté une amélioration à cet égard après avoir signé une première convention collective en avril. Son collègue Alberto Pacheco, assistant pâtissier, s’est senti pour sa part, lors de notre entretien mi-septembre, ressentir encore beaucoup de pression pour faire des heures supplémentaires, même lorsqu’il exprime son souhait de ne pas en faire.

Si je dis non à quelque chose que j’ai le droit de refuser, pourquoi insister ? S’ils n’ont pas le personnel pour servir 800 personnes, ils ne peuvent tout simplement pas prendre de réservations pour 800 personnes. C’est tout. »

Une citation de Alberto Pacheco, employé mexicain du Club Med Québec Charlevoix

Les travailleurs dénoncent également que leur horaire peut changer à très court préavis. Cette manque de respect pour notre temps est le plus grand irritant, selon Pacheco.

Vous ne savez jamais s’ils vont changer votre emploi du temps ou vos jours de congé, donc je ne me sens pas à l’aise pour faire des plansdit M. Pacheco, estimant qu’il est d’autant plus difficile de se faire des amis et de se créer une vie en dehors de son travail.

De son côté, M. Rozier affirme que les horaires sont établis sur quatre semaines conformément à la convention collective.

C’est dur de travailler pour le Club Medjuge l’employée canadienne, Roxanne*. Je ne réfère personne.

Par le passé, elle avait quelques dizaines de collègues canadiens dans son secteur, mais il n’en reste que trois ou quatre.

M. Rozier indique qu’à la fin de l’été le roulement du personnel était de 15% donc très acceptable pour notre industrie.

Or, la majorité des salariés étrangers ont, rappelons-le, des titres fermés qui les empêchent de travailler pour un autre employeur que le Club Med.

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La coordonnatrice du RATTMAQ, Véronique Tessier, affirme que c’est la première fois que son organisation vient en aide aux employés étrangers du secteur des services.

Photo : Radio-Canada / Marika Wheeler

Pas seulement du travail

Les employés du Club Med ont commencé à se tourner vers le Réseau d’aide aux travailleurs agricoles migrants du Québec (RATTMAQ) pour dénoncer leurs conditions de travail et de vie.

La coordonnatrice du bureau de Québec, Véronique Tessier, dit avoir été interpellée par un peu moins de dix employés [du Club Med] avec des plaintes qui affectent plusieurs aspects de la vie des travailleurs, notamment le logement, les conditions de travail et le climat.

Elle explique que les employés vivent un sentiment d’impuissance et le sentiment d’être abandonné, de ne pas savoir vers qui se tourner en cas de difficultés.

Elle aimerait voir la fin des permis fermés, qui maintiennent les employés liés à un seul employeur. Elle y voit une inégalité de pouvoir qui profite à l’employeur, mais elle concède que l’ensemble du modèle de licence devra être revu pour y parvenir.

Les personnes que nous amenons ici ne sont pas seulement des travailleurs, mais avant tout des êtres humains. »

Une citation de Véronique Tessier, coordonnatrice, RATTMAQ

Selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST), les travailleurs étrangers temporaires ont les mêmes droits et obligations en matière de travail que tous les travailleurs du Québec.

>Grand bâtiment a quatre étages.>

Plusieurs employés mexicains sont logés à la Maison mère de Baie-Saint-Paul. D’autres séjournent dans un motel.

Photo : Radio-Canada / Marika Wheeler

Le logement : Source de stress et d’instabilité

Quelques [travailleurs] vivent encore aujourd’hui dans un logement sans accès à une cuisineexplique Véronique Tessier. Nous parlons d’un logement permanent, pas de quelque chose pour quelques semaines.

A ce sujet, le Club Med répond qu’il n’est pas tenu d’héberger ses salariés et soutient que dans chaque bâtiment, il y a des cuisines, individuelles ou collectives.

Or, l’enquête de Radio-Canada a pu démontrer que certains logements ne donnent pas accès à une cuisinière, seulement à un petit réfrigérateur et à un micro-ondes.

Des travailleurs habitant Baie-St-Paul, à 25 km de leur lieu de travail, ont témoigné de la RATTMAQ d’un insécurité quant à leur logementcar beaucoup ont dû être relogés plusieurs fois sans savoir où ils allaient vivre.

Pour Mme Tessier, cette réalité témoigne du fait que l’entreprise et la communauté de Baie-Saint-Paul n’étaient pas prêtes à accueillir un si grand contingent de travailleurs étrangers.

Les quelque 200 permis pour les travailleurs étrangers ont été délivrés dans le cadre du programme de mobilité internationale qui dispense l’employeur du processus d’évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT), mais également de fournir un logement au titulaire du permis.

>Le Club Med Québec Charlevoix, vu de l'extérieur>

Club Med Québec Charlevoix, lors de son inauguration, le 29 novembre 2021

Photo: Radio-Canada / Alexandre DUVAL

Déception

Si M. Rozier affirme que les conditions de travail saines sont au cœur de nos priorités et cette vision est partagée au sein de notre entreprise, de notre histoire et de nos valeursles cinq employés avec qui Radio-Canada s’est entretenu ont exprimé leur déception face à leur expérience.

Beaucoup ont parlé d’une détérioration de leur santé mentale. Certains ont même dit que leur expérience de travail au Club Med Québec Charlevoix était parmi les pires de leur vie.

Personnellement, je ne me sens rien pour eux. Nous sommes remplaçables, jetables. C’est difficile. Beaucoup d’entre nous se sentent très seuls à cause de nos conditions de travail. »

Une citation de Ignacio*, employé du Club Med Québec Charlevoix

Comme Ignacio*, Alberto Pacheco espérait que son contrat avec le Club Med serait la porte d’entrée vers une nouvelle vie et une résidence permanente au Canada.

La raison pour laquelle je reste dans ce travail est que je sais que ce n’est pas le pire travail. Mon désir de rester au Canada est plus fort.

Depuis notre entretien, M. Pacheco a démissionné du Club Med car il dit qu’il n’en pouvait plus et Ignacio* veut travailler ailleurs.

*Ces noms ont été changés pour protéger l’identité des employés.


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