A Tahiti, une guerre sourde entre les magistrats du siège et le parquet – .

A Tahiti, une guerre sourde entre les magistrats du siège et le parquet – .
A Tahiti, une guerre sourde entre les magistrats du siège et le parquet – .
AUREL

De mémoire de magistrat, on n’avait jamais vu ça. Le procureur de Papeete, à la demande de son procureur général, a discrètement ordonné une enquête pénale contre l’un de ses collègues, juge d’instruction, dans le cadre d’une affaire privée. Le juge, terrifié, l’apprit par hasard, et devant l’émotion de toute la cour, le dossier fut déboussolé huit mois plus tard à Nouméa et rapidement classé, “délit” – un désaveu sérieux pour le parquet de Tahiti.

Cela veut dire que l’ambiance est tendue à Papeete entre les juges du siège (les “juges qui jugent”) et le parquet (les procureurs). Les magistrats du siège, en assemblée générale, ont dénoncé, le 25 novembre 2022, “les blocages qui entravent le fonctionnement du service public de la justice” et sont en désaccord avec le procureur. Trois missions d’inspection successives ont été envoyées sur place en moins de deux ans, ce qui est un record, surtout pour un si petit tribunal. Le directeur des affaires criminelles et des grâces, Olivier Christen, est venu en personne, en novembre, évaluer l’ampleur de la crise, et les deux chefs de juridiction de Polynésie, le premier président, Thierry Polle, et le procureur général, Thomas Pison, furent finalement convoqués, le 15 décembre, à la chancellerie, et sommés de donner leur accord.

La guerre entre magistrats a tourné au vinaigre le 30 mars 2020, lorsqu’un juge d’instruction a demandé un congé d’adoption après avoir accueilli la veille un nouveau-né avec son épouse, selon la pratique ancestrale, en Polynésie, “fa’a’amu” – qui pourrait se traduire par quelque chose comme “nourrir”, en français. Les parents peuvent confier leur enfant à des parents d’accueil, plus ou moins proches, tout en gardant un contact régulier avec le petit. La justice française y a progressivement instauré un cadre légal, en délivrant une délégation d’autorité parentale, ordonnée par un juge, éventuellement avant une adoption simple ou plénière.

“Provocation à l’abandon d’enfant”

Le juge d’instruction a donc fait une demande de délégation de l’autorité parentale au tribunal de Nouméa – afin de ne pas être jugé par son voisin de bureau, comme le veut la coutume. Pourtant, le procureur général de Papeete, trois ans après son installation, est soudainement entré en guerre contre une tradition qui existait cinq siècles avant son arrivée sur l’île. « Nous nous cachons derrière le »fa’a’amu” faire de la sous-adoption, Thomas Pison, qui a fait seize recours en 2020 contre les décisions du juge aux affaires familiales, a déclaré à la presse. C’est un avertissement aux Français métropolitains qui pensent que la Polynésie est « l’open bar ». »

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Tags: Tahiti une guerre sourde entre les magistrats siège parquet