Ll’alternance étant le sel de la démocratie, l’arrivée aux États-Unis, le 3 janvier, d’une majorité républicaine à la Chambre des représentants devrait en théorie s’accompagner d’un programme et de propositions concurrents de ceux défendus, depuis son élection à la Maison Blanche, par le président démocrate Joe Biden. A travers ces propositions, les Républicains seraient ainsi justifiés d’ouvrir un débat utile avant l’élection présidentielle, prévue en novembre 2024.
Cependant, il est probable que ce ne soit pas le cas. A la veille d’un vote qui n’est d’ordinaire qu’une formalité, le leader républicain, Kevin McCarthy, a été obligé de multiplier les concessions à son aile dure pour pouvoir espérer s’emparer du “maillet”, symbole du speaker (président) de cette maison. Un psychodrame révélant de profondes divisions internes. Quant à la priorité affichée d’enquêter sur le supposé racket du fils du président, Hunter Biden, elle relève d’un esprit de revanche étroit, après les deux inculpations qui ont visé Donald Trump durant son mandat, sans doute bien éloignées des préoccupations des citoyens de les États Unis.
L’étroite majorité dont disposent les républicains à la Chambre après des élections de mi-mandat décevantes et le poids disproportionné de l’aile la plus radicale en leur sein n’en sont pas les seuls responsables. Surtout, le Parti républicain souffre d’un grave effondrement idéologique qui n’est pas sans rappeler celui auquel sont également confrontés les conservateurs britanniques, après les décennies de suprématie du néolibéralisme.
se recroqueviller
Cet échec est ancien. Ce parti, dont le dernier programme officiel remonte à 2016, a ainsi renié ses vieilles convictions, en matière d’immigration ou de libre-échange, sans se forger une vision dans laquelle ses électeurs pourraient se projeter. Il s’est converti à un populisme alimenté par l’inquiétude identitaire, ce qui le réduit aujourd’hui à dénoncer préventivement toute proposition venant du camp démocrate et à condamner le progressisme, uniformément qualifié de « wokisme », en niant la persistance des inégalités sociales, à commencer par la persistance de racisme systémique.
La figure montante du Parti républicain, Ron DeSantis, est un bon exemple de ce recroquevillement. Le gouverneur de Floride a en effet forgé sa réputation en faisant la guerre au système éducatif de son Etat et à une grande entreprise soucieuse d’inclusion sociale comme Disney. Il juge urgent aujourd’hui de s’attaquer aux vaccins innovants qui ont permis d’endiguer la pandémie de Covid-19.
Alors que la Floride est en première ligne face aux conséquences du changement climatique, Ron DeSantis ne parle que des adaptations devenues indispensables, jamais de mesures pouvant réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce silence sidérant sur un sujet qui s’apprête à changer la vie de millions de ses concitoyens afflige la quasi-totalité du Grand Old Party.
Les élections de mi-mandat ont montré, sur la question de l’avortement, ce qui pouvait coûter au Parti républicain le choix d’une guerre culturelle tous azimuts : de nombreux revers électoraux. Il en aurait sans doute été de même du mariage homosexuel si le Congrès sortant, grâce à une minorité d’élus conservateurs conscients de sa popularité, n’avait pas consacré par la loi un arrêt de la Cour suprême, alors que celle-ci n’était pas encore devenue un foyer ultra-conservateur. Le Grand Old Party en tirera-t-il une leçon ?