Trois ans plus tard, les soignants fuient toujours les urgences au CHRU de Brest – Brest – .

Trois ans plus tard, les soignants fuient toujours les urgences au CHRU de Brest – Brest – .
Trois ans plus tard, les soignants fuient toujours les urgences au CHRU de Brest – Brest – .

Comment se sont passées les vacances aux urgences de Cavale-Blanche ?

« Pendant les vacances, il y a eu de grosses canicules, mais le week-end du 1er janvier 2023 a été calme. En revanche, tout a explosé lundi, les 20 loges du plateau et l’espace Abers à neuf places étaient pleins, tout comme l’ancien garage des ambulances, qui abrite la salle d’attente allongée (SAA), d’une capacité de 25 brancards. Il a été ouvert pour qu’il n’y ait plus de patients sur civière dans les couloirs, mais lundi c’était quand même le cas. Dans cette salle, il n’y a pas d’intimité, on enlève les écrans pour pouvoir surveiller les patients, qui sont sous la responsabilité d’un seul binôme d’infirmiers et de soignants. Il n’y avait pas de toilettes jusqu’à récemment. Deux salles ont été ouvertes : une pour les examens ; l’autre, sans W.-C., est l’espace « toilette ». Il faut parfois laver les malades qui sont souillés, alors que le point d’eau est à l’extérieur de la chambre. Lundi, les cinq places d’urgences gérontologiques, ouvertes de 10 heures à 18 heures, ont été réquisitionnées pour installer des patients deux par case. La réglementation a retardé au maximum, les gens appellent le 15 plus souvent désormais, d’autant plus que les services d’urgence de Landerneau ont fermé la nuit pendant ces vacances. Mais il manque encore des lits en amont, fermés faute de personnel. Les patients atteints de covid, et actuellement grippés, ne peuvent pas être mis en chambre double, alors qu’on manque déjà de lits, cela crée d’autres soucis”.

Pourquoi une telle foule ?

« La population vient de plus en plus à l’hôpital public, car elle a l’impression de ne pas payer, même si pendant un an il faut débourser 19,61 €, non remboursés par la Sécurité sociale. L’hôpital public accueille tout le monde. Si vous allez chez votre médecin, vous devrez payer la consultation, puis prendre rendez-vous pour un examen, une radiographie, et repayer. Quand les gens viennent ici, ils ont une plate-forme technique complète et pas d’argent pour avancer. Avec la crise, ils vont venir de plus en plus souvent à l’hôpital public ».

Le nombre de passages quotidiens augmente-t-il ?

« On reste dans la moyenne de 150 passages par 24h, on peut faire 120 ou des pics à 180, mais 120 avec des patients lourds c’est problématique. Les administrateurs ne comprennent pas que, quand on s’occupe de six ou huit patients, si un ou deux ne vont pas bien, on est obligé de rester à proximité et on croise les doigts pour qu’il n’arrive rien aux autres…? Ou on demande l’aide de la collègue d’à côté, qui peut se retrouver dans la même situation ».

Trois ans se sont écoulés depuis le constat que vous avez fait d’une fuite des soignants, quelle est la situation actuelle ?

« Lors des grèves de 2018-2019, nous étions en plein naufrage. Mais là ce n’est plus un naufrage, c’est un système en pleine perdition. Je pensais que les gens allaient se révolter après le covid, mais non ! Le système se meurt d’épuisement, tant du côté paramédical que médical, plusieurs médecins sont partis. Chaque jour, nous sommes dans l’incertitude, y aura-t-il un collègue pour prendre la relève ? Souvent, nous recevons un courriel annonçant notre horaire pour le lendemain. Que font les infirmières avec de jeunes enfants? Nous travaillons de 6h30 à 14h30 ou de 13h30 à 21h, la nuit de 20h45 à 6h30 ou de 15h30 à 23h. Il y a un service de remplacement au hôpital, heures supplémentaires rémunérées mais qui peine à recruter. Ces soignants viennent de tous les services, ne connaissent pas les urgences, ils apprennent sur le tas l’aménagement des locaux, les logiciels, le fonctionnement des urgences. Les soignants fuient toujours. Beaucoup de collègues font des bilans de compétences, pour quitter leur emploi, des gens qui travaillent très bien, mais qui n’en peuvent plus. Quand, en plus, le gouvernement appuie sur le bouton du plan blanc, on est réquisitionné, on flotte avec le courant ? ! Nous ne pouvons plus avoir de vie sociale.

Quel a été l’impact de la pandémie de covid ?

« Les patients qui arrivent aujourd’hui sont plus malades qu’il y a deux ans. Il y a eu des retards dans les soins, des pertes de chance, des pathologies ont évolué, et je suis atterré par le nombre de décès. Avec la crise économique, les familles gardent leur parent âgé auprès d’elles ou à domicile, faute de place en EHPAD ou de possibilité de payer. Malgré toute la bonne volonté des proches, les personnes âgées arrivent dans un état plus dégradé aux urgences. Ce qui a changé avec le covid, c’est que la confiance des soignants dans l’administration s’est effondrée. Les administrateurs sont au-dessus du sol, leur seule réponse est : “On vous comprend, on vous soutient”, sans effet sur nos conditions de travail. On nous dit qu’à Rennes les gens attendent encore plus longtemps sur les brancards, ça nous donne un bon coup de pouce. Et puis, au début du covid, on nous a complètement menti en nous disant qu’il n’y avait pas besoin de masque. Et puis qu’on pourrait venir travailler si on était positif au covid… ».

Vous avez choisi de rester, pourquoi ?

« J’aime ce que je fais, mais je n’ai pas signé pour ce qui se passe maintenant. La pression administrative est forte. Il est impossible de se reposer paisiblement sans avoir le fil dans la patte de l’e-mail qui va changer vos horaires. Si je prends une semaine de repos, je dois m’arranger avec une collègue pour qu’elle me remplace le week-end et elle fera trois semaines sans week-end. Parfois, nous terminons avec une heure ou une heure et demie de retard, s’il y a des patients lourds ou sans soulagement. Pour que ça aille mieux, on a besoin de personnel, pour qu’on ait le temps de s’occuper des malades, et on a aussi besoin de lits ».

* Le prénom a été modifié

Tags : années soignants fuite urgences Brest CHRU Brest

Tags: Trois ans tard les soignants fuient toujours les urgences CHRU Brest Brest