Calmos, sûrement le film le plus trash de Bertrand Blier, sortira en salles le 4 janvier. Retour sur la genèse d’une œuvre culte réalisée par Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort.
Après le succès des Valseuses en 1974 et ses 5,7 millions d’entrées, Bertand Blier continue dans l’irrévérence avec Calmos deux ans plus tard.
Après le duo Gérard Depardieu et Patrick Dewaere, le cinéaste fait appel à un nouveau tandem tout aussi terre à terre : Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle. Initialement, Bertand Blier a écrit Calmos en pensant à un duo Jean-Paul Belmondo et Jean Yanne, mais ce dernier a décliné l’offre du réalisateur.
La comédie nous présente Paul Dufour (Jean-Pierre Marielle), gynécologue, et Albert (Jean Rochefort). Ces derniers, épuisés par les femmes, abandonnent tout pour aller s’installer dans un village perdu afin de vivre une vie d’une simplicité heureuse pour recouvrer la santé, entre ivresse et franche camaraderie.
Ils y rencontrent un prêtre bon vivant (Bernard Blier) qui leur rappelle les plaisirs simples de la vie, et notamment la bonne chère. S’écoulant des jours paisibles entre hommes, elles s’adonnent avec bonheur à la paresse et à l’hygiène rustique. Mais leurs femmes les traquent et sont déterminées à les ramener dans la société matrimoniale.
Cette satire, inspirée à Blier par l’instauration en 1975 de l’Année internationale de la femme, n’a pas eu le même succès que Les Valseuses. Jouissant d’une liberté de ton et d’une radicalité folle, Calmos n’aurait jamais pu voir le jour à notre époque.
Avec seulement 739 646 entrées, Calmos est un échec commercial, en proie dès sa sortie aux critiques virulentes de la presse. Pris entre deux feux, le film a été accusé d’être un coup de gueule réactionnaire par des journaux progressistes, alors que les médias conservateurs l’ont jugé carrément pornographique.
« Blier traite les femmes comme les nazis traitaient les juifs pendant la guerre »s’est même exclamée une femme de l’émission de France Inter Le Masque et la plume.
Si Belmondo et Jean Yanne ont refusé Calmos, un autre monstre sacré a également dit non à Blier : Jean Gabin. Mais l’acteur a demandé un cachet trop élevé et le réalisateur a dû renoncer à l’embaucher. « Que vous m’ayez deux ou trois jours, ou trois mois, c’est pareil !avait frappé Gabin.
“Je regrette car si on l’avait eu, le film l’avait eu, le film aurait gagné. Il était plus populaire que Marielle, même s’ils partagent un certain pouvoir. Marielle et Rochefort sont des acteurs plus bourgeois. Gabin vient du peuple »dit Blier dans le livre Jean-Pierre Marielle, Le lyrique et le baroque par Stéphane Koechlin. Ce rôle d’évêque sera finalement confié au père de Bertrand, Bernard Blier.
L’échec du film a beaucoup affecté le trio Marielle, Blier, Rochefort, qui s’est beaucoup amusé sur le plateau. “Il était considéré sans distance et sans humour”déplore l’interprète d’Albert dans les pages de Jean Rochefort, Prince Sans Rire, écrit par Jean-Philippe Guérand.
« J’ai été d’autant plus déçu que j’ai apprécié ce pamphlet monstrueux. C’était vraiment du cinéma branque merveilleux dans lequel nous avons sauté à pieds joints de bonheur, Marielle et moi. Mais c’est aussi et surtout l’oeuvre d’un poète, d’un véritable artiste »dit l’acteur à la célèbre moustache.
“Ça a été un échec total, ça nous a beaucoup touchés. On s’est même fait engueuler dans la rue, Marielle et moi, par les quelques spectateurs qui l’avaient vu”dit Rochefort. “L’audace du scénario nous a enthousiasmés, en plein mouvement féministe, avec cette distance rabelaisienne et lyrique que Blier y avait mise”il explique.
“Même si certaines féministes sont pénibles à vivre, je reconnais que dans ce mouvement, il y avait une prise de conscience de certaines choses qu’il fallait équilibrer dans les rapports des sexes, en tout cas, pour autant qu’il puisse y avoir quelque chose social, ne serait-ce que le viol’ajoute l’acteur.
Après Calmo, « Plus personne ne voulait entendre parler de moi », a noté Rochefort, qui a dû se battre pour ne pas être mis à l’écart par le cinéma français. Deux ans plus tard, Blier renouera avec le succès avec Préparez vos mouchoirs (1,3 million d’entrées) et Jean Rochefort se relancera grâce au personnage culte d’Etienne Dorsay dans Nous irons tous au paradis (2 millions d’entrées).
Sources : Jean Rochefort, Prince Sans Rire, Jean-Philippe Guérand, chez Robert Laffont.
Jean-Pierre Marielle, Le Lyrique Et Le Baroque, Stéphane Koechlin, Éditions du Rocher.
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