l’histoire tragique de Volodymyr Vakulenko, poète et martyr de l’invasion russe – .

Soyons francs : il n’y avait pas grand monde dans l’église, ce mercredi de décembre, pour les obsèques de Volodymyr Vakoulenko. Les encensoirs valsaient, les bougies fumaient, mais la mission de l’église gréco-catholique Saint-Dmitri, au cœur de Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine, n’était qu’à moitié plein. Était-ce à cause du grondement des sirènes ? Froid mordant, glace ? Au balcon, une modeste chorale s’efforçait de donner un peu de solennité à l’adieu de ce “écrivain” et martyre de 49 ans, comme annoncé par la presse.

Autour du cercueil de « Volodia », le surnom du défunt, ses père et mère (divorcés) et, accrochés à eux, leur petit-fils, aujourd’hui orphelin : Vitaly, un enfant autiste de 14 ans qui a toujours été collé à son papa. Ce jour-là, dans l’église, il se ronge les ongles, chapeau jusqu’aux yeux, sans vraiment comprendre ce qui se passe autour du coffre en bois recouvert du drapeau bleu et jaune, ni comprendre les paroles prononcées par un prêtre. « Volodymyr est mort parce qu’il était Ukrainien et patriote. Que Dieu nous donne la force de résister à l’envahisseur, le prix de cette résistance est si élevé… »

Il n’y a pas grand monde non plus pour l’accompagner dans le cimetière Kharkiv numéro 2. Une maigre assemblée le suit jusqu’à sa tombe. Une « tombe » a été retrouvée sur la place des artistes, non loin de Misko Barbara, compositrice et leader d’un groupe de rock underground ukrainien qui mettait des poèmes en chanson. ne pas ne sont présents que deux habitants de Kapytolivka, le village de l’écrivain, à deux heures de route : un soldat en treillis et casquette kaki, qui boitille depuis son retour du Donbass, et un ami d’enfance de Volodymyr Vakoulenko, un manteau blanc et fourrure… La mère du défunt s’effondre dans les bras de cette femme devenue responsable administrative de l’hôpital. « Vous savez pourquoi je l’ai fait enterrer ici, loin de chez moi. Il n’est pas digne de ce village qui l’a donné aux Russes. »

Dans une guerre, il n’y a pas que des duels d’artillerie. A l’arrière se dresse un autre front moins visible, celui des petites vengeances, des trahisons de quartier, où les corbeaux remplacent les drones. Le 24 février 2022, l’Ukraine s’est soulevée en bloc contre l’ennemi et n’a depuis cessé de glorifier ses héros. Il est donc plus difficile de pointer du doigt ces anonymes qui se sont mal comportés. Sans quelques commérages de son village, Volodymyr Vakoulenko, un écrivain local qui ne rêvait que de jardinage et de poésie, ne serait sans doute pas mort aujourd’hui.

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