Ils ont aujourd’hui 51 ans. Catherine et Elisabeth G. sont jumelles et la dernière de six frères et sœurs. Ils ont grandi dans un village de la métropole lilloise, dans une famille décrite comme ” maquette ” par des proches. Ils ont été victimes d’un frère de huit ans leur aîné. Il a commencé à les violer lorsqu’elles avaient 6 ans, en 1977. Leur calvaire a duré sept ans, jusqu’à ce que le frère quitte le domicile familial. Catherine ne savait pas ce que vivait Elisabeth, et vice versa.
“Leur frère les faisait taire, menaçant d’attaquer l’autre jumeau si l’un d’eux parlait”, explique m.e Carine Delaby-Faure, leur avocate. Ils se sont tus et ont grandi en ignorant qu’ils étaient tous les deux victimes de viols et de violences. Des actes terriblement décrits dans la décision que la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) de Lille a rendue, mercredi 11 janvier. Présente dans toutes les juridictions, la CIVI peut être saisie par les victimes d’infractions dont le préjudice ne peut être indemnisé par l’auteur ou d’autres corps.
Ce n’est que lorsque Catherine a 24 ans et est hospitalisée dans un état de très grande souffrance psychique qu’elle se met enfin à parler. Elle raconte alors son calvaire à l’équipe médicale et le secret, porté depuis toutes ces années par les deux soeurs, explose. Un conseil de famille se tient quelques semaines plus tard. Leur mère prévient : elle ne survivra pas à l’incarcération de son fils. Un chantage moral a lieu et piège les jumeaux. L’omerta familiale prévaut. Nous sommes en 1995.
“Une déclaration de forclusion”
En 2020, Catherine et Elisabeth ont avancé dans leur démarche. Ils sont adressés à M.e Delaby-Faure, connue pour intervenir régulièrement dans des affaires de viols ou de violences faites aux femmes. L’avocat lillois a contacté le frère qui, dans une lettre laconique de quatre lignes, en janvier 2021, a reconnu avoir violé ses sœurs cadettes mais a déclaré qu’il n’avait pas les moyens de les indemniser. Le 28 juin 2021, Catherine et Elisabeth portent plainte. Désormais, les parents et une sœur abondent dans leur sens et leur frère a reconnu devant les gendarmes ces années d’inceste infligées à ses sœurs. Mais ces crimes sont prescrits.
Dans la lettre de classement sans suite pour ce motif, en novembre 2021, le parquet précise que « les faits révélés ou dénoncés constituent bien une infraction ». Il est alors théoriquement trop tard pour saisir CIVI : elle doit être dans les trois années qui suivent les faits ou dans celle qui suit une décision de justice. Cependant, la CIVI peut exceptionnellement accepter une demande présentée hors délai pour un motif légitime : si la victime n’a pas pu faire valoir ses droits dans les délais, ou si elle a subi une aggravation de son préjudice.
Il vous reste 46,02% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.
Étiquettes : Soeurs jumelles indemnisé inceste subi prescrit