
C’est un trou de verdure au milieu des barres HLM. Un jardin partagé, divisé en dix parcelles, au centre de la dalle de La Noue, quartier prioritaire de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Une touche de vert perdue dans un univers gris. “Tout est concret ici, donc ce jardin est un minimumsouffle Nadine (qui ne souhaite pas donner son nom, comme toutes les personnes citées par leurs prénoms), 33 ans, habitante du quartier, qui sort du centre social donnant sur l’espace vert. Un monsieur avait une ferme non loin de là, avant. On aurait pu y amener nos enfants, les reconnecter à la nature, mais l’endroit a été rasé pour construire un bâtiment. Alors vous voyez, l’écologie ici n’est pas toujours facile. »
Les enjeux climatiques dans les quartiers populaires ont souvent été résumés par une opposition entre la fin du mois et la fin du monde. Comme si la conscience écologique ne pouvait s’exprimer dans ces milieux précaires, plus préoccupés par la nécessité de remplir les assiettes et de payer les loyers que par l’envie de rouler électrique ou de manger bio.
La dichotomie doit être nuancée : les questions environnementales, ici comme ailleurs, préoccupent de nombreux habitants. En pleine crise énergétique, qui touche particulièrement ces quartiers, des acteurs locaux – souvent proches des communes de gauche – demandent que plus de visibilité soit donnée à l’écologie populaire. Le ministre du Logement et de la Ville, Olivier Klein, a déjà annoncé que la transition écologique sera un pilier central des futurs contrats de ville de 2024, qui feront l’objet d’échanges locaux dans les quartiers à partir du 6 mars.
Difficile, en effet, d’échapper aux enjeux climatiques lorsqu’on habite un quartier « pavillonnaire ». Plusieurs études montrent que les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont les premières victimes du changement climatique en France, du fait du manque d’espaces verts et des bâtiments mal isolés. D’après un sondage de Harris Interactive pour l’Agence nationale pour le renouvellement urbain, publié en septembre 2022, 70 % des habitants de QPV ont subi une température trop élevée dans leur logement durant l’été (contre 56 % au niveau national), 52 % à une température trop basse. température pendant l’hiver (contre 35%). Plus de la moitié de ces habitants déclarent également avoir des difficultés à trouver un endroit pour bénéficier du rafraîchissement dans leur quartier.
« Nous ne gaspillons rien »
“Les nuisances sont très inégalement réparties entre les classes sociales et les territoires, alors que la contribution à la crise écologique est également inégale”, souligne Léa Billen, doctorante en géographie sociale à l’université de Nanterre. Parce qu’elles consomment moins ou se déplacent moins, les classes populaires ont une empreinte carbone plus faible que les classes les plus aisées, qui subissent pourtant moins les conséquences du réchauffement climatique. “Certains habitants se demandent pourquoi ils paient pour les autres, confie Gabriel Mazzolini, militant du mouvement écologiste Alternatiba à Paris, intervenant dans les quartiers défavorisés. Ils accumulent déjà toutes les difficultés, pourquoi leur reviendrait-il de prendre une douche plus courte le soir après une journée fatigante alors que d’autres utilisent leur jet pour traverser Londres d’est en ouest ? »
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