Comprendre | Cauchemar afghan – .

Depuis le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan en août 2021, les femmes ont progressivement perdu la quasi-totalité de leurs droits. L’autonomie, les emplois et les études supérieures leur sont désormais interdits dans un pays où la faim dépasse souvent toute autre préoccupation. Respectivement professeure et étudiante en droit international à l’UQAM, Mirja Trilsch et Butul Mohammad Ishoq proposent quatre sources pour mieux comprendre le quotidien des femmes afghanes.

Posté hier à 13h00

1. Silencieux

type="image/webp"> type="image/jpeg"> >>

PHOTO MARTIN MEISSNER, ARCHIVES DE PRESSE ASSOCIÉES

Zharifa Ghafari à son arrivée en Allemagne en 2021

La question de l’égalité des sexes était loin d’être résolue pendant les 20 années où les talibans ont été évincés du pouvoir en Afghanistan. Mais avant le retrait chaotique des forces américaines, de nombreuses femmes, notamment à Kaboul, exerçaient une influence sur la société, des médias aux universités et même en politique. Fawzia Koofi, par exemple, a été vice-présidente du Parlement de 2005 à 2019. Zharifa Ghafari, elle, a été nommée à 26 ans maire de Maydan Shahr, ville de 35 000 habitants située à moins de 50 km de la capitale, en 2019. Pour les talibans, avant même de s’emparer de tout le pays, c’était une cible à abattre. Diffusé sur Netflix, notamment en version française, le documentaire Dans ses mains, de Tamana Ayazi et Marcel Mettelsiefen, raconte le mandat difficile, puis la fuite de l’homme politique, qui a survécu à plusieurs tentatives d’assassinat et qui est désormais basé à Bonn, en Allemagne. En chassant du pays une femme à la voix forte, les talibans en ont réduit beaucoup d’autres au silence, estime Mirja Trilsch : « Perdre sa voix, c’est perdre l’espoir, et son pouvoir aussi. »

2. De mal en pis

type="image/webp"> type="image/jpeg"> >>

PHOTO SANAULLAH SEIAM, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une femme afghane et son enfant dans la région de Kandahar en février

Pour des millions de femmes afghanes, l’exil vers la liberté est impossible. Amnesty International s’est entretenue avec une centaine de femmes restées dans le pays. Le rapport de l’ONG rassemble les témoignages troublants de ceux qui ont vu leurs droits bafoués, au point d’être harcelés, détenus et torturés, pour avoir manifesté ou s’être déplacés dans la rue. “Au début, certains pensaient que les talibans avaient changé, qu’ils étaient plus éduqués qu’en 1996”, raconte Butul Mohammad Ishoq, elle-même née en Afghanistan. Parmi les crédules, de nombreuses personnes déçues par les Occidentaux, qui n’ont pas tenu toutes leurs promesses de reconstruction et de sécurisation du pays. Cependant, le piège des « nouveaux » talibans s’est progressivement refermé sur les femmes afghanes. Rapidement empêchées de travailler, elles souffrent encore plus que les hommes de la crise économique provoquée par le blocage de l’aide humanitaire décidée pour punir le régime, observe Amnesty. Cela a des répercussions terribles sur le mariage des enfants, entre autres, a noté l’ONG. “Les familles sont obligées de vendre leurs filles de 5, 7 ou 9 ans à des hommes de 20 ou 30 ans de plus juste pour pouvoir se nourrir”, souligne Mirja Trilsch.

3. Aperçu

type="image/webp"> type="image/jpeg"> >>

PHOTO ALI KHARA, ARCHIVES REUTERS

Des femmes afghanes font la queue pour obtenir de l’aide dans les rues de Kaboul, juillet 2022

Si la lecture d’un reportage de quelque 90 pages en anglais peut être décourageante, Mirja Trilsch et Butul Mohammad Ishoq proposent également d’écouter un épisode du podcast Il explique, animé par Alexis De Lancer sur OHdio (Radio-Canada). Enregistré en mai 2022 avec la correspondante de RFI à Kaboul, Sonia Ghezali, il couvre en moins de 30 minutes une multitude d’aspects de la situation actuelle des femmes en Afghanistan. Il est ainsi question de la disparition des femmes afghanes de la vie politique, de leur infantilisation, des restrictions de déplacement imposées, de la répression dirigée contre les hommes qui les soutiennent dans leurs revendications, des entraves à l’enseignement supérieur et, bien sûr, du voile intégral, qui frappe l’imagination en occident. Pourtant, Butul Mohammad Ishoq s’étonne, ce voile était déjà très présent, notamment dans les zones rurales, avant la résurrection du régime taliban. Le voile en tant que tel “n’est pas le problème le plus important”, dit-elle. Ce qui a vraiment changé, selon l’étudiante, c’est que les femmes – voilées ou non – n’ont plus la liberté d’avoir une opinion sur le voile intégral. Autre élément intéressant : la journaliste témoigne au passage de l’angoisse qui l’habite en tant que femme (étrangère) vivant là-bas.

4. Victimes… rebelles

type="image/webp"> type="image/jpeg"> >>

PHOTO FOURNIE PAR RADIO BEGUM (FOURNIE PAR NATIONAL GEOGRAPHIC)

Hamida Aman, la fondatrice de Radio Begum, au centre, avec des employés de la station FM qui émet en Afghanistan

« Nous avons tendance à parler des femmes afghanes uniquement en tant que victimes, mais être victimes ne veut pas dire être passif », déclare Mirja Trilsch. Toutes les femmes afghanes ne se résignent pas au silence, souligne la professeure, et un rapport (en français) de National géographique passé sur une station de radio là-bas le montre. Radio Begum fait entendre la voix des femmes dans 10 des 34 provinces du pays. « Hamida Aman, la fondatrice de la station qui vit en Suisse, est venue en Afghanistan pour la monter », raconte Butul Mohammad Ishoq. Elle a négocié avec les talibans et trouvé un compromis. Ainsi, Radio Begum ne fait pas de militantisme ni de musique accrocheuse, mais une dizaine de journalistes y abordent notamment les problèmes de santé mentale des femmes et consacrent six heures par semaine à des cours à l’antenne. Dans un pays où l’école est désormais interdite aux filles après le primaire, c’est presque révolutionnaire. “Ce qui est ironique, c’est que cette radio existe parce qu’elle n’est pas politique, indique Mmoi Trilsch. Mais son existence même est politique dans un système qui contrôle tout sur les femmes. Tant mieux si les talibans ne s’en rendent pas compte ! »

Qui sont Mirja Trilsch et Butul Mohammad Ishoq ?

  • Originaire d’Allemagne, Mirja Trilsch est directrice de la Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM (CIDDHU) et professeure de droit international des droits humains à cette université depuis 2011. Elle est également impliquée dans l’initiative Scholars at Risk, une université internationale réseau qui tente notamment d’accueillir des chercheurs afghans contraints à l’exil.
  • Née dans le nord de l’Afghanistan, pays qu’elle a quitté très jeune avec ses parents, Butul Mohammad Ishoq est étudiante à la maîtrise en droit international à l’UQAM. Elle travaille notamment sur le processus de paix en Afghanistan.

L’article est en français

Balises : Comprendre Afghan cauchemar
Tags: Comprendre Cauchemar afghan

PREV Quand la politique se mêle aux Grands Prix – .
NEXT aide trop peu sollicitée ! – .