
jeIl est parfois périlleux d’aborder la psychologie clinique sous l’angle de la philosophie, de la politique ou de la sociologie, comme le montre l’opinion du philosophe Pierre Vesperini (Le monde18 février), manifestant contre le « Time Out » [« temps mort »] le fonctionnement dont la psychologue Caroline Goldman expliquait dans une interview quelques jours plus tôt (Le monde du 15 février) [le « Time Out » consiste à mettre un enfant à l’écart pour un court moment].
Mener une attaque contre un outil pédagogique de la clinique avec la seule expérience de ses propres enfants alors que nous voyons, chaque jour dans nos consultations, des enfants et des parents en souffrance, ne peut que conduire à la confusion politique et sociale.
N’importe quel concept pédagogique peut être rattaché à une théorie behavioriste du moment qu’on veut l’appeler ainsi car éduquer c’est permettre à l’enfant d’acquérir des comportements adaptés. Le « Time Out », issu des courants anglo-saxons, est pourtant le signifiant de la rupture. Il est dommage de lui laisser ce nom anglais plutôt que de le renommer avec un mot comme « pause », « scansion » ou « ponctuation », ce qui remettrait peut-être le sujet au cœur de son acte.
Recette de cuisine
En quelques années, l’enfant est devenu le 8e merveille du monde, au centre de l’extrême attention de ses parents qui ne l’ont jamais lâché. Ils y sont incités par le discours scientifique qui les pousse, par exemple, à garder le bébé les six premiers mois dans leur chambre pour prévenir la mort subite du nourrisson, pourtant stable depuis trente ans (environ 4/10 000) , si l’on croise les données de l’INSEE sur les naissances en 2022 avec celles de Santé publique France sur les décès inexpliqués avant un an.
Le lien s’établit d’emblée dans l’angoisse – quand ce n’est pas de l’angoisse – comme viennent en témoigner un certain nombre de jeunes mères. A l’affût de tous les signes, le nourrisson et ses parents sont en contact permanent ce qui, soutenu par la technologie, renforce jour après jour ce monde homogène.
Si Caroline Goldman vient donner ses conseils en podcasts, ce qui risque – comme pour Françoise Dolto (1908-1988) en son temps – d’être utilisée comme recette de cuisine, c’est qu’elle est témoin, comme tous ceux qui écoutent enfants en souffrance, à une évolution de la symptomatologie. De la petite fille d’à peine 2 ans qui se réveille quinze fois par nuit pour entretenir dans un ballet incessant l’angoisse de ses parents totalement épuisés, aux crises clastiques de ce petit garçon de 4 ans et demi qui ne supporte pas la moindre frustration.
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