Il cinéma a toujours été très présent dans l’œuvre littéraire de l’écrivain argentin Manuel Puig. Pour l’auteur de ‘Boquitas pintadas’, ces mélodrames sophistiqués de Metro et ces élégantes comédies musicales RKO ont contribué à créer une réalité alternative pour le jeune Puig qui contrastait avec le machisme qui prévalait au sein de la famille ou l’aridité et l’isolement offerts par un environnement géographique, celui de son ville natale de Général Villegas dans la pampa argentine, sans autres options que celles de la rêverie dans la chambre noire. Ces premières années vont marquer la personnalité de l’écrivain argentin, qu’il va transférer dans tous ses romans et surtout dans “Le baiser des femmes araignées”où deux personnages emprisonnés, un militant politique et un homosexuel, seront plongés dans un parcours de libération personnelle dans lequel, à travers l’évocation d’anciens films, ils réfléchiront sur leur propre vie et leur identité politique et sexuelle.
L’auteur, Manuel Puig, a raconté le choix de ces deux personnages dans l’interview révélatrice du journaliste Joaquín Soler Serrano dans le programme ‘À fond’ sur TVE en 1977, qui s’inscrit en quelque sorte dans la continuité du thème qui a toujours guidé sa littérature. « J’avais besoin d’un des deux protagonistes pour défendre le rôle classique de la femme soumise. Pour que cela se produise aujourd’hui, je ne pouvais pas penser à un type de femme qui s’accrochait encore à ce rêve d’accomplissement amoureux par l’absolution. Par contre, il m’a semblé qu’un homosexuel à fixation féminine, puisqu’il est incapable de réaliser l’expérience, peut encore croire à cette illusion et défendre cette erreur. Pour l’autre protagoniste, il me fallait un personnage dialectique, quelqu’un ouvert à la discussion”, a reconnu Puig, dont le roman a trouvé une adaptation notable au grand écran au milieu des années 1980 par son compatriote. Hector Babenco avec scénario de Léonard Schraderfrère de Paul Schrader. On retiendra surtout du film les interprétations méritoires de Guillaume Blessé et Raúl Julia comme Molina et Valentin, les deux détenus qui, dans l’adaptation théâtrale, personnifient Eusébio Poncela et Igor Yébra. Le premier, donner vie à un personnage qui réfléchit sur les relations humaines et met en lumière le besoin d’aimer de l’être humain. La seconde, qu’en plus de son statut d’acteur, il rejoint celui de chorégraphe et danseur, se mettant dans la peau d’un jeune militant politique désireux de changer le monde qui l’entoure. Diriger ‘Kiss of the Spider Woman’ est l’artiste multidisciplinaire Charlotte Ferrier, avec qui Poncela avait déjà travaillé sur l’adaptation de l’œuvre de García Lorca ‘La casa de Bernarda Alba’. “La production de Carlota parvient à faire mouche, tant pour la LGTBI que pour une femme au foyer de Logroño”, explique Poncela, pour qui le travail de Puig “a littéralement ouvert la voie à la modernité, un souffle authentique, léger et très profond. Puig a eu son moment magique. J’espère que cette magie est vivante en nous et que le public en tombe amoureux ».