l’armée russe peut-elle tenir ? Les 4 scénarios pour la suite du conflit – .

A l’aube du septième mois de conflit, la guerre semble tourner à l’avantage de l’Ukraine. Longtemps sur la défensive, les forces de Kyiv lancent une offensive massive le 29 août et font des percées spectaculaires dans les lignes russes, notamment dans la région de Kharkiv. Deux semaines après le début des opérations, le président Zelensky revendiquait la reconquête de « 6 000 kilomètres carrés de territoires ukrainiens à l’Est et au Sud ».

Un nouveau coup dur pour Moscou, après l’échec de sa première offensive sur Kyiv, en février-mars, puis sa laborieuse avancée dans le Donbass à la fin du printemps. Si l’initiative stratégique est désormais entre les mains des Ukrainiens, qui bénéficient de l’aide cruciale de l’Occident, l’issue de la guerre n’en demeure pas moins incertaine. Plusieurs scénarios se dessinent pour les mois à venir. D’un effondrement militaire russe en Ukraine à une escalade nucléaire à Moscou, L’Express revient sur les développements possibles du conflit.

Dario Ingiusto / L’Express

• Scénario 1 : L’effondrement total de l’armée russe

Pour le Kremlin, ce serait un cauchemar : l’effondrement complet de son appareil militaire. Les stratèges n’excluent plus cette hypothèse. Dans sa dernière note, Lawrence Freedman, professeur émérite au King’s College de Londres, avance même qu’une « déroute soudaine (…) n’a rien d’inhabituel en temps de guerre » et cite le cas de « l’armée afghane, à l’été 2021 ». « Ce scénario est possible, mais n’est pas le plus probable, juge le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission française à l’ONU. Car cela impliquerait que la manœuvre ukrainienne à Kherson, dans le Sud, réussisse également, entraînant une ruée générale des Russes dans le reste du pays.

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Où s’arrêteraient donc les troupes ukrainiennes ? En première ligne en 2015 ou aux frontières de 1991, reprendre pied jusqu’en Crimée ? Tout dépendra des négociations… si elles reprennent. « L’armée russe n’a pas été complètement vaincue à l’est et ses troupes au sud sont plus nombreuses et de meilleure qualité, rappelle Tomas Ries, professeur à l’École supérieure de la défense nationale de Stockholm. Mais le moral des soldats russes est si bas qu’un effondrement reste possible.

Une faillite militaire pourrait provoquer des bouleversements politiques à Moscou. Comme l’a souligné le général australien Mick Ryan, « une victoire rapide de l’Ukraine aurait non seulement un impact profond sur l’avenir de Poutine, mais aussi sur la psyché d’un public russe alimenté par un récit sur son sort. et la menace posée par l’OTAN ». Par sa portée stratégique et historique, une déroute ouvrirait le champ des possibles sur le plan domestique comme sur le plan international. Pour le meilleur ou pour le pire : rien ne dit que l’État russe, qui dispose du feu nucléaire, deviendrait moins dangereux.

• Scénario n° 2 : reconquête progressive par l’Ukraine

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Aux yeux de nombreux experts, c’est l’une des hypothèses privilégiées pour les mois à venir : les forces de Kyiv parviennent à conserver l’initiative stratégique et continuent de repousser, petit à petit, les forces russes de leur territoire. « Au vu des rapports de force actuellement en Ukraine, on semble se diriger vers un scénario de ce type, confirme le général Dominique Trinquand. Dans ce cas, une victoire de l’Ukraine serait possible au cours de l’année 2023. »

Parvenant à s’imposer sur la rive ouest de l’oblast de Kherson, au sud, jusqu’au fleuve Dniepr, les forces de Kyiv pourraient alors concentrer leurs efforts sur la région de Zaporijia et chercher à reprendre une partie de leurs territoires à l’est du pays. Jusqu’aux zones passées sous pavillon russe depuis 2014 ? « Tout au plus, les Ukrainiens pourraient regagner les territoires qu’ils ont perdus depuis l’invasion russe du 24 février 2022, estime Olivier Kempf, directeur du cabinet stratégique La Vigie. La récupération des territoires séparatistes dans le Donbass me semble très incertaine et la Russie fera tout pour défendre la Crimée qu’elle a annexée en 2014. »

Cependant, ce ne serait qu’une maigre consolation pour Vladimir Poutine : son « opération militaire spéciale » n’aurait donc entraîné aucun gain territorial, à des coûts politiques, économiques et militaires colossaux. « La condition essentielle de cette reconquête serait la poursuite du soutien militaire et financier des pays occidentaux, prévient cependant Tomas Ries. Cela pourrait perturber un hiver marqué par l’inflation et des pénuries potentielles d’énergie.

• Scénario 3 : le statu quo

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Dans ce scénario, les Ukrainiens arrivent au bout de leur potentiel offensif, puis se retrouvent incapables de pousser plus loin leur effort. Résultat : les positions sont gelées, aucune des deux parties n’étant en mesure de déployer les ressources nécessaires pour percer les lignes ennemies sur le champ de bataille. « Cela suppose que les Russes parviennent à réorganiser leur système pour mettre en place une défense efficace et bien fournie, note Léo Péria-Peigné, chercheur en armement et prospective au Centre d’études de sécurité de l’Institut français des relations internationales. Cependant, on sait qu’ils ont perdu beaucoup de matériel, suite aux différentes frappes et à la contre-offensive ukrainienne, et qu’ils manquent de camions pour assurer leur logistique.

La stabilité de la ligne de front ne signifierait pas nécessairement la fin des combats. « Ce serait comme un conflit gelé, comme dans le Donbass entre 2014 et 2022, pointe Olivier Kempf. Il est très probable que des combats de moindre intensité se poursuivront, avec des bombardements et des escarmouches sporadiques faisant des morts et des blessés de chaque côté. La guerre dans le Donbass – avant l’invasion russe – avait fait plus de 14 000 morts et 25 000 blessés.

En fin de compte, l’incapacité d’une partie à l’emporter sur l’autre pourrait conduire à l’ouverture de pourparlers. “Le risque serait qu’une lassitude des Occidentaux vis-à-vis des conséquences néfastes de la guerre les conduise à faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte un compromis qui n’est pas forcément à son avantage, explique Tomas Ries. Dans ces conditions, il ne serait pas garanti qu’un accord puisse tenir à long terme. Avec, à terme, le risque d’un nouvel embrasement.

• Scénario n°4 : escalade russe

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Dario Ingiusto / L’Express

Dans l’impasse, Moscou tente le tout pour le tout afin de reprendre le contrôle du déroulement des opérations. Plusieurs options sont donc sur la table. Face aux difficultés rencontrées par l’armée russe, des voix ont déjà commencé à s’élever en Russie pour exiger une mobilisation générale. L’objectif : augmenter le vivier d’hommes disponibles. Mais sa mise en pratique pourrait être délicate. « Cette décision serait très impopulaire dans les grandes villes et aurait l’inconvénient de priver la Russie d’une grande partie de sa main-d’œuvre, prévient Léo Péria-Peigné. De plus, cela ne résoudra pas le principal problème de l’armée russe, à savoir son manque de soldats spécialisés, capables d’utiliser des armes complexes, de piloter et de tirer des véhicules blindés.

Un besoin qui ne serait pas satisfait par une masse de soldats non professionnels entraînés à la hâte. « L’armée russe peut encore augmenter son niveau d’engagement, affirme Olivier Kempf. Elle a encore des viviers d’hommes disponibles parmi ses réservistes, ses conscrits ou ses unités professionnelles qui n’ont pas encore été engagés.

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Autre hypothèse extrême – et redoutée –, celle d’une escalade nucléaire par Moscou. « Une seule frappe nucléaire n’aurait qu’un effet limité sur le champ de bataille, en raison de la dispersion importante des forces ukrainiennes, estime Tomas Ries. Pour vraiment changer la situation, la Russie devrait recourir à des frappes massives. Un scénario qui reste à ce stade très hypothétique aux yeux des experts. Les répercussions politiques d’une telle action, à l’échelle mondiale, pourraient bien dépasser les bénéfices escomptés. Et faire basculer la Russie, qui bénéficie toujours de soutiens internationaux, au rang de « paria du monde ».


Paul Véronique et Clément Daniez

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>Extrait d'un article du 8 octobre 1998 sur Jean-Luc Godard.>Pierre Assouline

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>Les drapeaux de l'Union européenne à Bruxelles, le 16 juin 2022>Par Cécile Maisonneuve, fondatrice de DECYSIVE et conseillère au Centre Energie Climat de l’IFRI.

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