“Franck est venu pour travailler, pas pour mourir” – .

“Franck est venu pour travailler, pas pour mourir” – .
“Franck est venu pour travailler, pas pour mourir” – .

Karine Michel est triste et en colère. Mardi 8 mars, Franck, son frère de 58 ans, est mort écrasé sous un chargement de palettes alors qu’il déchargeait sur le chantier de construction de la future ligne 16 du Grand Paris Express, au Blanc-Mesnil (Seine-Saint- Denis). « Franck est venu travailler, pas pour mourir sur ce chantier », raconte-t-elle, dévastée.

“Je viens de perdre un jumeau. Un mec grand et super beau qui aimait la vie et plaisantait tout le temps. Un mec comme ça, c’est pas juste », renchérit cette femme, très proche de Franck, qui n’avait qu’un an de plus qu’elle. Elle lui avait parlé au téléphone la veille. ” Tout était bien. Il m’a dit qu’il allait se coucher tôt pour être en forme demain matin. Il a dû commencer tôt. »

En déplacement chaque semaine

Au volant de son camion, il avait quitté son entreprise des Hautes Vosges, Rouillon Transports, pour la région parisienne. Il devait honorer une commande ponctuelle pour un client, sur l’un des sites du Grand Paris Express, au Blanc-Mesnil. Retournez ensuite dans sa région pour d’autres missions.

Son employeur le voyait aller loin. « Il se déplaçait toutes les semaines, précise Dominique Rouillon, PDG de la société de transport. Il avait rejoint cette entreprise familiale de 170 salariés, au cœur de sa région natale, il y a un an. Il était affectueusement surnommé “le chanteur”, car son nom rappelait celui de l’interprète de “Toutes les femmes sont belles”, Franck Michael.

“C’était un salarié comme on aimerait en avoir plus souvent”

« Il fait ce métier depuis trente ans. Il a toujours voulu être chauffeur routier. Il se débrouillait très bien dans cette entreprise. Ils sont aussi dévastés que nous. Ils nous ont dit qu’ils ne nous laisseraient pas partir », confie Karine. « C’était un employé comme on aimerait en avoir plus souvent. Nous sommes tous très choqués. On ne va pas au travail pour se suicider », précise le chef d’entreprise.

Franck avait passé sa vie à sillonner les routes de France. Il avait été un temps indépendant, puis avait choisi de terminer cette carrière bien remplie chez ce transporteur vosgien. Arrivé au terme de sa vie professionnelle, Franck n’avait plus qu’un an à travailler avant de prendre sa retraite. “Dimanche, avant de partir, il m’a dit qu’il voulait profiter de la vie”, se souvient sa soeur.

Cinq morts sur les chantiers du métro et du RER depuis 2020

La mort de Franck Michel porte à cinq le nombre de personnes décédées dans un accident du travail sur l’un des chantiers du métro et du RER, selon un recensement réalisé par l’Union départementale de la CGT, qui déplore également une “dix blessés graves” . Avant Franck, Maxime Wagner, 37 ans, intérimaire pour une filiale de Vinci, est décédé en mars 2020 après avoir été violemment frappé à la tête le 28 février, lors de travaux de prolongement de la ligne 14, à Villejeuif (Val-de-Marne).

Abdoulaye Soumahoro, 41 ans, salarié chez Eiffage, est décédé en décembre 2020, au Bourget (Seine-Saint-Denis), pris dans une bétonnière. Joao Baptista Miranda, 61 ans, compagnon de ce même groupe, est mort en janvier 2022, écrasé par une plaque métallique sur le chantier de la future gare Saint-Denis-Pleyel (Seine-Saint-Denis) du supermétro.

Outre un autre chantier francilien, hors GPE, Jérémy Wasson, 21 ans, élève ingénieur, est décédé sur le chantier du RER E à Pantin (Seine-Saint-Denis) en mai 2020.

Une double enquête a été diligentée pour l’accident de mardi, au Blanc-Mesnil. L’une menée par l’inspection du travail, l’autre par le parquet de Bobigny. “Une enquête flagrante a été ouverte pour homicide involontaire”, a déclaré ce dernier. Le site a été arrêté le temps de comprendre dans quelles circonstances Franck Michel est décédé.

La délicate question des responsabilités

Y a-t-il eu des manquements ou des négligences aux obligations de sécurité ? Il sera alors temps de trancher la délicate question des responsabilités. Un réseau d’entreprises est impliqué dans ce chantier gigantesque. Rouillon Transports a été employé par un fournisseur du groupement mené par Eiffage Génie Civil en charge des travaux.

A ce stade, les seules explications ont été fournies par la Société du Grand Paris (SGP), cet établissement public qui pilote la construction des 200 km de lignes du supermétro d’ici 2030. Mardi 8 mars, elle indiquait sans plus ado détaille que “lors d’une opération de manutention, la victime a été heurtée par une lourde charge”. Franck a fait un arrêt cardiaque, puis il a été transporté à l’hôpital avec un pronostic vital très grave.

Sa sœur se dit « trop en colère »

Le décès a été confirmé en début d’après-midi, plongeant ses proches et collègues dans la consternation. Les drames avaient resserré cette famille de trois enfants déjà très soudée. « Il avait peur pour moi et c’est lui qui est parti », confie sa sœur, qui a été très touchée par d’autres drames. Elle s’apprête à mener un nouveau “combat”. « Je suis trop en colère. Je me fous de l’argent. Je veux que ceux qui détruisent des vies assument leurs responsabilités », a-t-elle déclaré.

Déjà, la CGT et sa fédération du BTP ont annoncé qu’elles allaient se porter partie civile.

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